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Inceste : l’impact sur les victimes tout au long de leur vie

Le 21 septembre 2021, la Commission Indépendante pour l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (CIIVISE) lançait un appel à témoignages. Elle vient de publier le compte-rendu de cette étude qui nous permet d’en savoir davantage sur les conséquences de l’inceste sur les victimes, tout au long de leur vie.

En un an, ce sont près de 16 414 témoignages de victimes d’inceste qui ont été recueillis, que ce soit par téléphone, par écrit, via un questionnaire en ligne sur le site de la commission, en audition à la CIIVISE ou dans des réunions publiques.

« On l’a vécu, vous pouvez l’entendre. »

Les conséquences de ces actes se répercutent sur tous les domaines de la vie des victimes :

  • La santé physique ou psychique : douleurs inexpliquées, symptômes de psychotraumatisme, dépression, tentatives de suicide, addictions, troubles alimentaires
  • Les études et le travail
  • La vie familiale
  • La vie affective et sexuelle : impossibilité de nouer une relation épanouissante, absence de sexualité, multiplication des partenaires

Le rapport complet est à retrouver sur le site la CIIVISE, nous vous proposons ici une synthèse de l’analyse de ces résultats.

« C’est l’histoire d’un crime qui a détruit mon enfance et ma vie d’adulte. »

LE PROFIL DES VICTIMES
  • 9 victimes sur 10 sont des femmes.
  • 13% des victimes sont en situation de handicap lors du témoignage (13% d’entre elles l’étaient déjà au moment des violences sexuelles)
  • L’âge moyen des personnes qui témoignent est de 44,3 ans

« Ma vie, c’est : tomber, thérapie, se relever. Tomber, porter plainte, se relever. Tomber, faire semblant. »

CARACTÉRISTIQUES DES VIOLENCES SEXUELLES 
  • 8 victimes sur 10 sont des victimes d’inceste.
  • Les actes sexuels débutent très tôt, se réitèrent et perdurent, en particulier lorsqu’ils se sont produits dans le cadre de la famille ou de l’entourage proche.
  • Une victime d’inceste sur 4 avait moins de 5 ans au moment des faits.
  • L’agresseur est le plus souvent un membre de la famille (81% des cas)
LES CONSÉQUENCES SUR LA SANTÉ

Que ce soit sur le plan physique, psychologique ou neuro-biologiques, les violences sexuelles subies pendant l’enfance entraînent des conséquences extrêmement graves sur la santé des victimes. D’autre part, les conséquences sont d’autant plus graves quand les victimes sont jeunes.

Parmi les symptômes, on observe : des conduites d’évitement de lieux, de personnes ou d’activités qui rappellent l’agression ou l’agresseur, des cauchemars, une hyperactivité, une irritabilité, des souffrances physiques sans causes organiques, un état de dissociation cognitive, corporelle et émotionnelle.

COMPORTEMENTS À RISQUES

Une grande majorité de victimes ayant témoigné a développé des comportements à risques : troubles alimentaires, problèmes d’addiction, agressivité, violence, tentatives de suicide… Les troubles alimentaires touchent plus souvent des femmes (1 femme sur 2), les problèmes d’addiction, plus souvent les hommes (4 hommes sur 10).

« Je n’ai eu de cesse que de masquer mon corps, avec des vêtements trop grands, avec de la graisse, pour ne plus être une proie, pour ne plus être vue. »

« En maigrissant, j’avais le sentiment de reprendre le contrôle de mon corps et d’échapper au contrôle de mon agresseur. En maigrissant, je disparaissais un peu. »

LES CONSÉQUENCES SUR LA VIE SEXUELLE ET AFFECTIVE

Les agressions et violences sexuelles peuvent avoir des conséquences sur la santé sexuelle des victimes : douleurs pendant les rapports, le plus souvent vaginisme (4 femmes victimes sur 10) ; problèmes gynécologiques (infections à répétitions) pour 3 femmes sur 10, trouble de l’érection (1 homme sur 3).

Sur la vie sexuelle, l’impact peut être de degrés divers ((4 femmes sur 10, moins d’un homme sur 5) : absence ou baisse de libido, absence de vie sexuelle. On observe aussi, pour un homme sur 2 et une femme sur 3, une hypersexualité (multiplication des partenaires).

« Ce sentiment contribue à expliquer ma sexualité précoce (14 ans la première fois) et mon hypersexualité jusqu’à 17 ans, alternant ensuite avec des phases de dégoût, de rejet et d’abstinence. Cela explique selon moi pourquoi je suis à la fois désinhibée et prude. »

L’IMPACT SUR LA VIE PROFESSIONELLE 

Un grand nombre de victimes ayant témoigné auprès de la CIIVISE indique que l’école ou le travail semblent avoir été des refuges, les tenant éloignées des violences et de leurs conséquences.

D’autres cependant, ont dû interrompre leurs études ou leurs carrières professionnelles suite aux violences. Les victimes expliquent que leur avenir aurait pu être meilleur, si elles n’avaient pas subi de violences. Certaines d’entre elles ont même dû quitter leur foyer et ont dû exercer des emplois précaires.

« J’ai fait des petits boulots qui ne me correspondaient pas, c’était alimentaire. J’ai fait beaucoup de CDD, parce que de cette manière, j’échappais à une emprise d’une figure d’autorité. En tout cas, je savais qu’elle était limitée dans le temps. »

LES CONSÉQUENCES SUR LA VIE FAMILIALE

Les violences sexuelles entraînent souvent la rupture des liens avec l’agresseur et/ou les membres de la famille. Ainsi, la division familiale est souvent reprochée à la victime, la perte de confiance dans les structures protectrices telle que la famille ou la société en général, peut aussi être observée, tout comme les conflits de loyauté, le deuil d’une partie de la famille causé par un déni familial qui perdure parfois même après la condamnation de l’agresseur. La CIIVISE parle d’une «préjudice familial spécifique dans les cas d’inceste.»

Les conséquences peuvent aussi porter sur la maternité et plus largement, la parentalité : hypervigilance, peur de reproduire les agressions sur leurs propres enfants, renoncement à la maternité ou à la construction d’une famille.

« Ça m’a empêché d’être attirée ou d’attirer des hommes avec qui j’aurais pu construire une famille, mais j’avais une telle angoisse de la grossesse, que je pense que j’ai tout fait pour l’éviter. »

Dans son rapport, la CIIVISE propose de nombreuses préconisations pour lutter contre ces violences et ces conséquences :

  • Le repérage systématique
  • La création d’une cellule de soutien pour les professionnel.le.s
  • L’augmentation des moyens de lutte contre la cyberpédocriminalité
  • La prise en charge des soins spécialisés
  • La diffusion d’une grande campagne d’information

 

N’hésitez pas à nous contacter pour vous faire accompagner si vous êtes victimes de violences ou si vous soupçonnez des violences ou agressions sexuelles autour de vous. Millenium Investigations travaille en collaboration avec des avocats spécialisés sur ces questions.